SOPHIE BERGER & FABRICE MELQUIOT

OCTOBRE

MA galerie sonore est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique lancé cette saison. Entre octobre et juillet, des personnalités, réalisateurs et réalisatrices, artistes et radios complices proposent une sélection coup-de-cœur de trois à cinq œuvres audio à l’écoute dans cette rubrique.

SOPHIE BERGER

Réalisatrice sonore, lauréate du prix d’art sonore Pierre Schaeffer en 2013, ses pièces sont diffusées sur France Culture, ARTE Radio, la RTBF et dans de nombreux festivals. Elle crée également pour le spectacle vivant, notamment avec l’auteur Fabrice Melquiot sur des performances et des créations pluridisciplinaires.
sophieberger.com

FABRICE MELQUIOT

Écrivain, parolier, metteur en scène et performer, il a publié une soixantaine de pièces de théâtre, des romans graphiques et des recueils de poésie régulièrement récompensés en France comme à l’étranger. Dans la saison, il présente avec Sophie Berger le spectacle Larsen Love.
fabricemelquiot.fr


« LES RENCONTRES NOURRISSENT LES FORMES »

Ingénieure du son, Sophie Berger œuvre depuis plus d’une dizaine d’années dans la création sonore, des pièces pour la radio mais aussi pour le spectacle vivant : performances, installations, ou encore bandes son pour le théâtre notamment. Un travail où les collaborations artistiques sont fréquentes. Avec Fabrice Melquiot, écrivain, parolier, metteur en scène et performer, elle fait l’ouverture de la Galerie Sonore et présente une playlist de cinq morceaux choisis à découvrir par l’écoute. On retrouve également le duo sur scène, dans Larsen Love, une performance qui implique aussi les spectateurs. 

Du côté de la radio, de la création sonore, peut-on évoquer ce qui stimule votre intérêt ?  

SB : Dans mon rapport avec le son, il y a le fait d’être à l’écoute du monde. Comment le raconter avec le son ? C’est pourquoi je mène des ateliers autour de la pratique de l’enregistrement, d’emblée envisagée comme écriture sonore. Souvent, dans la préparation d’une pièce radio, on n’interroge pas assez la manière dont cela se fait : les dispositifs d’enregistrement, l’infra-verbal, le corps, la façon de tenir son micro, dont on se tient physiquement ou se présente à l’autre, le sourire, le geste. Voilà ce qui m’intéresse. Je ne cherche pas vraiment à témoigner, documenter.

Et dans vos projets avec Fabrice Melquiot ? 

SB : Notre question serait plutôt : comment recomposer ce qui advient et s’enregistre à partir de l’écoute ? Dès que l’on transfère sur l’ordinateur, sur la timeline, il y a forcément réécriture, fiction, et je crois que celle-ci est parfois plus vraie que le réel. Nous travaillons sur des temps très courts, in situ. Dans Larsen Love, performance improvisée avec le public, c’est quasiment dans l’instant. Sinon, nous travaillons généralement une semaine pour réaliser des formes d’environ une heure à partir de rencontres avec les gens sur un territoire. Ces échanges nourrissent notre réécriture, une forme de fiction qui restitue quelque chose de ce territoire. Peut-être essayons-nous d’atteindre quelque chose de « vrai » ?

Comment avez-vous constitué votre playlist pour la Galerie Sonore ? 

Deux pièces sont consacrées à la création radiophonique. Elles ne sont pas en lien avec notre démarche mais je les trouve très cohérentes, riches, car elles travaillent la question du son d’une autre façon que nous. C’est pour cela, entre autres, que j’avais envie d’en partager l’écoute avec d’autres personnes.

Pour les trois autres morceaux, nous avons sélectionné des formes autour de notre travail. Elles font partie de nos références communes et sont révélatrices d’éléments qui constituent les moteurs d’écriture de nos performances.

Disons qu’avec Fabrice, nous voulions mettre en avant – dans notre shaker commun ! – le fait d’être à l’écoute de ce qui advient dans l’instant. Dans l’extrait de Lausanne, la place de l’orage – évènement imprévu que nous avons enregistré alors que nous étions dans des cafés de cette ville à la rencontre des gens – donne un relief inattendu et illustre notre façon de glaner et de faire feu de tout bois. Le mot de Fabrice serait plutôt le « vrac ». Un mélange d’ici et maintenant, de hasards, de mots que le public choisit dans Larsen Love... Cela s’apparente aux contraintes que l’on se donne pour un jeu. La forme s’improvise à partir de cela.

Nous avons aussi retenu la chanson Montparnasse, par Grand Blanc, pour le cut suspendu, un temps aspiré où toute la musique se retire, presque qu’un silence. Suspens et silence sont des éléments présents dans notre travail commun. Ils font aussi partie de ce que nous cherchons à utiliser de façon structurelle dans Larsen Love, performance conçue comme un match improvisé, en public et en direct.

Nous avons choisi la troisième pièce pour le travail sur la voix comme contenu sonore. Comment le discours, la parole peuvent être utilisés comme matière puis mis en forme.


Entretien de Irene Filiberti avec Sophie Berger
Octobre 2023